KISHINTAÏKAÏ 2014 : Chronique n°1 " La flute enchantée "

Publié le 9 Juin 2014

Le KISHINTAÏKAÏ, La NAMT, et L'AIKITAÏKAÏ ont eu lieu... de cette semaine intense et passionnante il reste le vécu, les souvenirs, les rencontres, les échanges et le terreau fertile, de cette immersion dans la pratique, à partir duquel il me reste à travailler.

Beaucoup de blogs, ont ou vont revenir sur cette fabuleuse semaine, et j’attends avec impatience le compte rendu technique de Simon (aka Celebanor) dont l’œuvre de mémoire de stage qu'il élabore avec talent par le biais d'Aikiforum est une mine pour prolonger l’étude. Ses articles sont des antisèches bien utiles à mon cerveau en pré-Alzheimer.

Je ne me lancerai donc pas dans une description méticuleuse de la pratique d'un point de vue technique. Je compte plutôt égrainer quelques courtes chroniques, représentatives d'instants vécus, d’expériences...

CHRONIQUE n°1: LA FLUTE ENCHANTÉE:

Si j'ai déjà, ici, fait référence à Léo Tamaki, c'est à sa femme Shizuka que ce billet est consacré.

Virtuose de flute traversière, Shizuka Tamaki fut une organisatrice d’exception, d'une immense discrétion tout en étant d'une totale disponibilité, elle incarna en quelques sorte, à mes yeux, le rôle de «parèdre» figure que l'on retrouve dans certaines mythologies. Ce terme en grec signifie: «assis près de», «assis à côté de», il s'agit d'une partie d’un couple de divinités, jouant le rôle de la contrepartie féminine ou masculine d’un dieu ou d’une déesse. On en retrouve des exemples au Tibet, avec Samvara, et sa parèdre Vajravârâhï, en Inde on connaît Vishnou et sa parèdre Lakshmî, en Egypte Sesheta et son parèdre Thoth, ou encore Adonis, parèdre d'Aphrodite-Astarté etc etc

Ainsi, à coté du solaire hakama blanc de Léo, le clair de lune Shizuka fut un rouage essentiel de la "machine" Kishintaïkaï/NAMT/Aïkitaïkaï. Et je tenais à lui rendre cet hommage.

Hevajra et sa parèdre Nairātmyā (musée Guimet)

Hevajra et sa parèdre Nairātmyā (musée Guimet)

Durant un stage d'une semaine, au rythme de 7h d’entraînements par jour, l'engagement physique nécessite aussi des moments de calme. Des périodes où le corps et l'esprit oscillent entre rumination de l'enseignement et lâché-prise sous forme de siestes récupératrices.

Le dojo alors etait plongé dans une douce quiétude digestive. Le ronronnement des dormeurs se trouvait nappé par la flute enchantée de Shizuka. Le tout sous l’œil bienveillant de O'sensei.

(Le matin avant notre arrivée, en début d’après midi et sans doute en d'autres moments, Shizuka répétait afin de préparer un concert la semaine suivante à Berlin.)

Le tout sous l’œil bienveillant de O'sensei. (Photo shizuka Tamaki)

Le tout sous l’œil bienveillant de O'sensei. (Photo shizuka Tamaki)

Un pur moment de poésie.

Mon corps fatigué dans cette ambiance hors du temps, puisait alors son énergie de la mélodie de l'instant. A l'instar de Kokopeli ou Krishna et son Bansurî, la musique devenait divine harmonie, Shizuka jouait seule dans son coin et pourtant il semblait que tout un orchestre philharmonique l’accompagnait.

Les notes que produisait l'instrument, formaient, en ce lieu, un pont de plus entre les arts dit martiaux et l'Art...

Pour cela aussi Shizuka merci !

Shizuka Tamaki

Shizuka Tamaki

Le samedi soir c'est également la flute traversière de Shizuka qui ouvrit de façon magistrale la Nuit des Arts Martiaux Traditionnels avec un morceau d'Eugene Bozza donnant l'occasion d'une autre mise en résonance du monde martial avec celui des arts...

L’école Kishinkaï dans l’esprit de ses piliers: Léo Tamaki, Isseï Tamaki, Tanguy Le Vourc'h, Julien Coup (auxquels je consacrerai la prochaine chronique) se veut un élan ample, s’enrichissant de la diversité et de l'ouverture.

Ainsi, qu'une gracieuse flute introduise les multiples démonstrations guerrières, au cœur de l’écrin du théâtre de la Madeleine fut à mes yeux presque naturel et en tout cas d'une grande beauté.

Théâtre de la Madeleine

Théâtre de la Madeleine

Pour finir je vous propose de relire E.Rostand qui par la bouche de Cyrano (éternelle inspiration) mêlait déjà la poésie de la musique et le monde guerrier:

CYRANO (se croisant les bras):

Ah çà! mais vous ne pensez qu'à manger?. . .

Approche, Bertrandou le fifre, ancien berger;

Du double étui de cuir tire l'un de tes fifres,

Souffle, et joue à ce tas de goinfres et de piffres

Ces vieux airs du pays, au doux rhythme obsesseur,

Dont chaque note est comme une petite soeur,

Dans lesquels restent pris des sons de voix aimées,

Ces airs dont la lenteur est celle des fumées

Que le hameau natal exhale de ses toits,

Ces airs dont la musique a l'air d'être en patois!. . .

(Le vieux s'assied et prépare son fifre):

Que la flûte, aujourd'hui, guerrière qui s'afflige,

Se souvienne un moment, pendant que sur sa tige

Tes doigts semblent danser un menuet d'oiseau,

Qu'avant d'être d'ébène, elle fut de roseau;

Que sa chanson l'étonne, et qu'elle y reconnaisse

L'âme de sa rustique et paisible jeunesse!. . .

(Le vieux commence à jouer des airs languedociens):

Écoutez, les Gascons. . .Ce n'est plus, sous ses doigts,

Le fifre aigu des camps, c'est la flûte des bois!

Ce n'est plus le sifflet du combat, sous ses lèvres,

C'est le lent galoubet de nos meneurs de chèvres!. . .

Écoutez. . .C'est le val, la lande, la forêt,

Le petit pâtre brun sous son rouge béret,

C'est la verte douceur des soirs sur la Dordogne,

Écoutez, les Gascons: c'est toute la Gascogne!

(Toutes les têtes se sont inclinées;--tous les yeux rêvent;--et des larmes sont furtivement essuyées, avec un revers de manche, un coin de manteau.)

CARBON (à Cyrano, bas):

Mais tu les fais pleurer!

CYRANO:

De nostalgie!. . .Un mal

Plus noble que la faim!. . .pas physique: moral!

J'aime que leur souffrance ait changé de viscère,

Et que ce soit leur cœur, maintenant, qui se serre!

CARBON:

Tu vas les affaiblir en les attendrissant!

CYRANO (qui a fait signe au tambour d'approcher):

Laisse donc! Les héros qu'ils portent dans leur sang

Sont vite réveillés! Il suffit. . .

(Il fait un geste. Le tambour roule.)

TOUS (se levant et se précipitant sur leurs armes):

Hein?. . .Quoi?. . .Qu'est-ce?

CYRANO (souriant):

Tu vois, il a suffi d'un roulement de caisse!

Adieu, rêves, regrets, vieille province, amour. . .

Ce qui du fifre vient s'en va par le tambour!

Cyrano de Bergerac

Cyrano de Bergerac

Édouard Manet (1832-1883) - le Fifre -

Édouard Manet (1832-1883) - le Fifre -

Rédigé par Remi Samouillé

Publié dans #BUDO & BOUTS D'ARTS !, #KISHINTAÏKAI 2014

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C
le fifre porte sûrement un rouge garance...
Répondre
R
Absolument d’ailleurs lors de l'ouverture de la NAMT Shizuka portait une splendide robe ... garance :)